
Hé non, c’est l’inverse !
Avant d’être une mode, le mouvement gothique fut d’abord une musique, un mouvement littéraire, et un art. L’art gothique vient du « gotico » italien, entre les références du peintre Raphaël en parlant de l’art germain ou français, et celles de Vasari parlant du sac de Rome par les barbares – les Goths.
L’art des églises gothiques a débuté en France, en Picardie, et se caractérise par les croisées d’ogives, la recherche d’espace, de lumière, et de divin au sein du bâtiment religieux chrétien.
Il y a bien un lien entre cet art et les mouvements de jeunes gothiques, influencé par le roman gothique anglais.
Le roman gothique anglais est un style littéraire qui naît en Angleterre dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Le roman gothique, noir, fantastique, terrifiant…, les adjectifs sont nombreux au fil de temps et de l’évolution de l’imaginaire gothique. Cela fait référence à l’architecture médiévale, l’art gothique ornant les églises, les cathédrales, les monastères, la nature labyrinthique, et tous ces décors qui le représentent au mieux. L’importance du lieu et du décor à son importance, comme dans l’ouvrage Le Château d’Otrante de Walpole, qui lance les thèmes fondateurs.
S’il est oublié à la Renaissance et ses études classiques reprises des anciens, l’art gothique revient plus tard en contre-courant en Angleterre, porté par le « grand tour » (tourisme européen) des riches et jeunes anglais… Il y a dans cet engouement un lien fort avec le passé, la puissance du religieux, l’émotion suscitée par le bâtiment médiéval. L’architecture classique, équilibrée, mesurée, et la gothique, beaucoup plus émotionnelle, inspirant l’effroi. Le rationalisme des Lumières et la métaphysique sublime du roman gothique.
De fil en aiguille le bâtiment et le mobilier changent, les pratiques aussi. On se rend dans les cimetières, les cryptes, les vieilles églises, pour trouver le silence, la marque du temps qui passe, un romantisme au sens strict. On visite la nature, on se laisse porter par le sentiment, l’émotion, la mélancolie. La mort et le sublime sont présents, cela donne lieu au surnaturel : des esprits, du fantastique, des ambiances lunaires, sombres, ténébreuses, qui nourriront l’univers gothique.
Au XXe siècle, c’est le cinéma, puis la musique qui reprennent le gothique. En musique, on peut citer Alice Cooper et Nico du Velvet Underground, mais surtout les Doors, les Cure, Joy Division. Une nuance toutefois, ces groupes influencent le mouvement gothique mais leur musique n’est pas forcément gothique. On peut plutôt écouter des groupes comme Bauhaus et Siouxsie and the Banshees, toujours dans l’Angleterre des années 1982-1983. Cette musique solennelle et lourde joue sur la mise en scène, la représentation et manque parfois sa cible, avec le risque de vider la substance du roman gothique.
Un style visuel accompagne cette musique, l’habillement prend ses marques dans la dominance du noir, dans l’esthétique de l’inquiétant. On trouve également des références à la Renaissance, dans les coupes de cheveux voire certains vêtements.
Parfois assimilé à l’anti-religieux, l’athéisme, le satanisme ou le démoniaque, le gothique n’est pas à l’origine lié à la religion, mais s’inspire des bâtiments pour y trouver d’autres réflexions, d’autres émotions, des méditations gothiques bien différentes des clichés qu’on peut y apposer… Par crainte, par effroi de ce qu’il expose. Finalement, une certaine fragilité ?
Pour finir, un poème gothique de David Malle, écrit en 1728.
Ici tout n’est que silence redoutable ; rien ne le trouble
que le vent qui soupire et ma chouette qui pleure
et crie, solitaire sous la lune funèbre,
dont les rayons se glissent à l’ouest, dans cette nef latérale
où un triste fantôme, d’un pas immatériel,
fait sa ronde habituelle, ou s’attarde sur sa tombe.