
Tout d’abord, il convient de présenter qui est le Prince Noir. Il s’agit du premier fils d’Edouard III le roi d’Angleterre et de Philippa de Hainaut, qui est né en 1330. Appelé Édouard de Woodstock, il est choyé par son père il reçoit l’éducation d’un jeune prince et participe à la bataille de Crécy en 1346. Il est ensuite nommé lieutenant de Gascogne, une région du sud-ouest de la France actuelle, puis est mandaté par son père pour aller à Bordeaux afin de défendre les possessions anglaises contre les français en pleine Guerre de Cent Ans. Le prince va effectuer des pillages très rentables sans jamais livrer bataille dans ce qu’on appelle « la Grande Chevauchée ».
Une fois la réputation acquise, il se dirige vers le Poitou plus au nord et Poitiers en 1356. Durant la bataille il capture Jean II le Bon (dont on parle ici !), ce qui permet de demander une rançon conséquente aux français. Suite à un traité donnant des terres aux anglais victorieux, il est nommé Prince d’Aquitaine par son père en juillet 1362. Il se marie avec sa cousine Jeanne de Kent la même année, et leur cour à Bordeaux connaît le luxe et le faste d’une grande cour royale.
Le Prince bat encore une fois les Français menés par Bertrand du Guesclin en Espagne, à Najera en 1367. Mais les finances compliquées et le manque de soutien entraîne la perte de ses territoires acquis par le traité. Il finit par tomber malade, peut-être de dysenterie à partir de sa campagne en Espagne et rentre en Angleterre pour y mourir à 46 ans, en 1376.
On le surnomme le Prince Noir d’après plusieurs sources : un chroniqueur anglais, Richard Grafton, un siècle après sa mort en 1568, lui donne ce nom d’après la couleur de son armure. Il portait une armure noire après un épisode relaté dans une chronique de l’époque. Pendant une bataille, il tomba de cheval et fut dissimulé sous une bannière pour survivre. La nuit venue, une fois la victoire assurée, il commanda l’exécution des soldats français prisonniers et incapables de payer la rançon demandée par les vainqueurs. N’ayant pas respecté les valeurs des chevaliers, il prit une armure noire pour montrer sa honte ou sa cruauté.
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Difficile enfin de penser au Chevalier Noir sans actuellement penser à Batman, notamment après les films de Frank Miller titrant The Dark Knight. Si les créateurs de l’homme chauve-souris citent volontiers leurs inspirations entre les hélicoptères, des films comme Zorro ou Dracula, une pièce de théâtre intitulée The Bat,… On retrouve des éléments chez un auteur français comme Victor Hugo, auteur de L’Homme qui rit, qui peut rappeler le personnage du Joker par son sourire de façade.
Mais encore, Victor Hugo apporte une image des chevaliers qui garantissent la paix, sont sans pitié, sombres, défenseurs des plus faibles tout en étant ténébreux. Le XIXe siècle revisite la chevalerie médiévale et, dans la Légende des Siècles de 1859, Hugo écrit ceci :
« Ils flamboyaient ainsi que des éclairs soudains,
Puis s’évanouissaient, laissant sur les visages
La crainte, et la lueur de leurs brusques passages ;
[…]
Les spectres de l’honneur, du droit, de la justice;
Ils foudroyaient le crime,
[…] ces magistrats sinistres de l’épée.
Malheur à qui faisait le mal ! Un de ces bras
Sortait de l’ombre avec ce cri : Tu périras!
[…]
Ils erraient dans la nuit ainsi que des lumières.
[…]
Ils étaient justes, bons, lugubres, ténébreux;
[…]
Le peuple en leur présence avait l’inquiétude
De la foule devant la pâle solitude
Ils passaient effrayants, muets, masqués de fer. »
Ce qui rejoint la phrase finale prononcée par l’inspecteur Gordon dans l’un des films Batman The Dark Knight : « Parce qu’il est le héros que Gotham mérite. Pas celui dont on a besoin aujourd’hui…Alors nous le pourchasserons. Parce qu’il peut l’endurer. Parce que ce n’est pas un héros. C’est un Gardien silencieux…qui veille et protège sans cesse. C’est le Chevalier Noir. »
